Indovenillo Veronese ( La devinette de Vérone )
L’indovinello Veronese
La devinette de Vérone
La devinette de Vérone ( l’indovenillo veronese) est considérée comme le texte roman ( volgare en italien) le plus ancien, elle aurait été écrite vers l’an 800, c’est-à-dire quelque cinquante ans avant les serments de Strasbourg.
La question qui intéresse les linguistes est de savoir en quelle langue est écrit le texte. Est-ce déjà de l’italien, est-ce un stade intermédiaire entre le latin et l’italien, et si oui, quelles seraient les transformations que l’on peut observer.
Voici le texte :
Se pareba boves
Alba pratalia araba
(et)Albo versorio teneba
(et)Negro semen seminaba
Première remarque
Le texte original est particulièrement illisible, et peut donner lieu à plusieurs transcriptions. J’en veux pour preuve que certains mentionnent un mot supplémentaire (et), et que d’autres ne le mentionnent pas .
Deuxième remarque
De même que pour la transcription des serments de Strasbourg, il y a un parti pris « latinisant » de la part des analystes contemporains . Ainsi, ceux qui ont rajouté le mot « et », le transcrivent « et » et non pas « e », alors que le texte, pour autant que l’on puisse le lire correctement, ne permet pas de d’affirmer la présence de la lettre « t ».
Troisième remarque
Est-ce qu’un texte aussi court peut rendre compte de la façon dont on parlait à l’époque ? Il faudrait de nombreux textes pour pouvoir analyser la langue de l’époque. Il faut donc se garder de généralisations sur la langue de l’époque, à partir de ce seul texte.
Quatrième remarque
Les écrivains et les scribes de cette époque étaient parfaitement bilingues, et surtout n’écrivaient qu’en latin. On peut donc concevoir qu’ils avaient une tendance naturelle à latiniser leurs écrits.
C’est en ayant présent à l’esprit toutes ces remarques que l’on peut commencer à aborder l’analyse du texte de la devinette.
1 . Se pareba boves
On trouve deux traductions pour cette première partie du texte
Soit : Il poussait devant lui ses bœufs
Soit : il ressemblait à des bœufs.
2 . Alba pratalia araba
Là encore on trouve deux traductions.
Soit : il labourait le champ blanc
Soit : il labourait les champs blancs
Je ne vois, pour ma part, aucune raison de traduire « alba pratalia » par un pluriel ! Ni le latin, ni l’italien ne formeraient les pluriels de la sorte.
3. Albo versorio teneba
Negro semen seminaba
Là les traducteurs s’accordent pour comprendre la même chose ( à l’exception d’Henriette Walter qui traduit tous les verbes par des pluriels)
Il tenait une charrue blanche
Il semait une semence noire
En conclusion ce texte est-il un stade intermédiaire entre le latin et l’italien ?
1 . Le vocabulaire de ce texte est latin , à la seule exception du mot « versorio »
Ainsi pour le mot « boves » on trouve le français « bœuf », l’italien « bue » , le roumain « bou » et l’espagnol « buey » . Tous ces mots devraient venir d’un mot unique « bu-» ( en fait, dans la logique de ma théorie, les mots des langues romanes actuelles viendraient de l’italien ancien « bue » ) Il est improbable que le mot « boves » , s’il est roman, n’ait pas encore perdu son « v » pour donner les autres formes romanes que nous connaissons où ne figure jamais la lettre « v ». Il est donc latin.
2 . Sur le plan grammatical, on remarque que si l’auteur a voulu écrire en latin, il ignore les déclinaisons et omet le « t » à la troisième personne du singulier
Ma proposition
Je considère que le texte de l’Indovinello Veronese a été écrit par une personne qui a essayé d’écrire en latin, et qui a réussi sur le plan du vocabulaire pour l’essentiel, mais qui, par contre, a fait de grosses fautes de grammaire.
Son vocabulaire n’est en aucune façon roman.
En d’autres termes le texte de l’Indovenillo Veronese ne peut pas être considéré comme l’acte de naissance de la langue romane.
Tel est mon point de vue, merci de me faire connaître le vôtre.
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